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La Maison de Verre

Voir sans être vu

En 1928, le docteur Jean Dalsace, gynécologue, promoteur du planning familial et membre du parti communiste confie à Pierre Chareau, alors décorateur et autodidacte, la réhabilitation de son hôtel particulier du XVIIIème siècle au 31 rue Saint-Guillaume.

Le pari est audacieux : confier à un ami de sa fille, sans diplôme, une réalisation à haut risque puisque la locataire du dernier étage refuse de déménager et qu’il faudra donc construire une maison en-dessous de la récalcitrante !

Pierre Chareau s’entoure d’un architecte habilité Bernard Bijvoet, et imagine un lieu où cabinet médical et résidence privée coexistent au sein d’un même espace.

Le projet structurel maintient le 3ème étage existant et transforme radicalement les deux espaces inférieurs. La maison est évidée, soutenue par une ossature en acier qui vient supporter le dernier étage et les combles. Le rez-de-chaussée est attribué à l’activité professionnelle tandis qu’un 1er étage dévolu aux pièces de réception est surmonté d’un 2ème étage partiel, nouvellement créé en mezzanine, réservé aux chambres et salles de bain. Des terrasses s’ouvrent côté jardin. Une aile accueille la cuisine et la chambre de service.

Réalisation avant-gardiste, les façades sont entièrement parées de carreaux de verre opaque qui dispensent une lumière généreuse et abondante tout en empêchant d’être vu. 

Des sens de circulation intérieure sont astucieusement délimités et facilités par des éléments pivotants. Une porte rotative en métal dissimule l’escalier qui mène aux étages privés ; celui qui relie la chambre parentale au petit salon est escamotable ; des portes-placards en bois ou métal isolent les chambres, pivotent ou coulissent tout comme les portes-armoires des salles de bain. 

Le parti pris esthétique privilégie un nouveau langage. Laisser visibles les poutres et poutrelles apparentes en acier, les canalisations et les conduits pour en faciliter l’entretien. Utiliser de nouveaux matériaux détournés de leur usage habituel : tôles perforées, caillebotis de métal, revêtement de sol en pastilles de caoutchouc, briques de verre. Dissimuler les ouvertures par des jeux de bascule et de pivot. L’utilitaire se veut désormais décoratif. Une idée maîtresse qui fera son chemin, reprise par de nombreux architectes.

Le mobilier et les luminaires sont intégralement créés par Pierre Chareau, partisan d’un art total, avec la complicité de Louis Dalbert, artisan ferronnier, qui lui permet de décliner un travail inédit autour des lames en fer forgé. 

Que d’ingéniosité et de maturité ! La Maison de Verre est un chef d’œuvre, le manifeste unique d’un autodidacte génialement doué et inspiré. Peu d’amateurs ont aujourd’hui le privilège de la visiter. Son actuel propriétaire ne l’ouvre qu’à de très rares moments et à un public restreint. Mais, qui sait ? Peut-être un jour, la découvrirons nous un jour ensemble ?

La Maison de Verre
31 rue Saint Guillaume
75007 Paris

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